A peine lancé sur le territoire français, le compteur Linky a fait parler de lui. Ce compteur communicant, installé à marche forcée par Enedis depuis le 1er décembre 2015, sans accord préalable des abonnés, s'est attiré les foudres de nombreuses associations de protection des usagers. Ces dernières, en dehors de ne pas en mesurer vraiment l'utilité voyaient surtout dans ce nouvel équipement un risque supplémentaire en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques et un moyen, pour l'opérateur et les fournisseurs, d'entrer dans la vie privée des abonnés. Hier, des associations aveyronnaises, très remontées contre Linky, ont demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire.
Dernièrement c'est la Cour des Comptes qui a épinglé le compteur jaune. Si les sages de la Cour ne remettent pas en cause son bien-fondé, ils pointent une communication défaillante à l’égard des usagers lors du déploiement du compteur ainsi qu’un impact insuffisant en matière d’économies pour les particuliers, soulignant notamment le coût de son installation, comme on peut le lire dans la conclusion : « L’analyse bénéfices-coût au niveau de la distribution ne peut à elle seule justifier économiquement le projet et, en l’état actuel des travaux, le système n’apportera pas les bénéfices annoncés en ce qui concerne la maîtrise de la demande d’énergie». Selon la Cour des Comptes, le programme est économiquement avantageux uniquement pour Enedis, structure qui pose 90% des compteurs. La Cour souligne que le compteur en plus de n'apporter aucun service, coûtera aux abonnés. Car si pour l'instant, le programme Linky qui coûte tout de même 5,39 milliards d'Euros est pris en charge par Enedis, c'est l'abonné qui le prendra en charge, à partir de 2021 à raison de 130 Euros la pièce. « Un dispositif trop coûteux pour le consommateur », même si la somme sera échelonnée sur les factures.
Mais cet avis n'empêchera pas l'opérateur des réseaux électriques de poursuivre le travail avec la pose de 35 millions de compteurs Linky d'ici à 2021. D'autant que la loi 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique pose une obligation légale de proposer des prix différents en fonction de la consommation des utilisateurs et en temps réel, mais aussi un changement plus facile de fournisseur, des dispositions facilitées pas les compteurs communicant comme Linky
Mais depuis le début le compteur, jugé dangereux par les personnes sensibles aux ondes, permet aussi aux opérateurs de connaître les habitudes de consommation des abonnés. « Une véritable intrusion dans la vie privée, pour laquelle les consommateurs n'ont pas donné leur avis » s'insurgent des associations et de collectivités qui refusent même l'installation sur leur territoire.
« Linky est très bavard , les informations qu’il collecte constituent une intrusion dans la vie privée de soixante-six millions d’habitants ».
« Il n'y a pas de risques pour la santé, tant que le compteur n'émet pas d'ondes électromagnétiques », explique Oliver Merckel, Chef de l'unité de d'évaluation des risques liés aux agents physiques à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES). Encore heureux … Mais cela veut-il dire que dans le cas contraire le compteur présente un danger ? « Compte tenu de la fréquence des ondes et du niveau d'exposition, la probabilité d'un effet sanitaire reste faible », poursuit l'Anses. Faible, à raison d'une microseconde toutes les dix minutes, mais possible, notamment pour les personnes dont l'électrosenbilité est avérée. Pour envoyer ses données, plusieurs fois par jour, le compteur utilise le plus souvent les courants électriques porteurs (CPL) jusqu'au prochain poste source (transformateur). Ce dernier envoie les informations via le réseau hertzien (3G/4G) comme un simple téléphone mobile, mais avec une durée d'émission et un volume beaucoup plus faibles.
Restent les risques d'explosion, de brûlures voire de tumeurs cérébrales souvent évoqués par les opposants. « Ce compteur ne provoquera pas, c'est sur, de brûlures », poursuit l'Anres. Sauf bien sûr si l'installation est défaillante ou reçoit une charge électrique trop importante. En cas d'orage par exemple. « Quant au risque de tumeurs cérébrales, de troubles de la reproduction ou de problèmes cognitifs, aucune étude n'a réussi à le démontrer à ces niveaux de fréquence et d'exposition ».
« Linky est très bavard » , explique la Ligue des Droits de l'homme « les informations qu’il collecte constituent une intrusion dans la vie privée de soixante-six millions d’habitants, car le transfert des données détaillées sur la consommation d’énergie permet notamment d’identifier les heures de lever et de coucher, les heures ou périodes d’absence, ou encore, sous certaines conditions, le volume d’eau chaude consommée par jour ainsi que le nombre de personnes présentes dans le logement ». La CNIL a travaillé sur un « Pack de conformité » et préconisé qu’EDF obtienne de l’usager son consentement pour le transfert de ses données. Ce qui semble un minimum.
Mais alors, quels sont les avantages de ce nouveau compteur ? « Linky n’a pas été conçu pour être directement utile au consommateur, il n’en présente pas moins quelques avantages pratiques réels », avance 60 Millions de consommateurs sur son site web. En dehors des factures plus précises, dont le relevé se fait à distance, ce compteur permet de mieux gérer sa consommation et identifier les sources de dépenses. Une situation qui pourra s'analyser de manière plus précise avec l'électroménager connecté. Enfin côté fournisseur, il permet de réduire les coûts d'exploitation et mieux gérer la répartition des besoins en électricité sur l'ensemble du territoire avec une incitation à moins consommer aux périodes de forte demande.